Promesse de Gascon ! Voilà ce que certains d’entre vous ont pu penser en lisant la tranche de vie de la semaine dernière. En effet, alors que je vous avais promis de vous parler des gâteaux vietnamiens, j’ai évoqué le plaisir épicé des sauces vietnamiennes ! Sans doute ai-je voulu mettre un peu de piment dans le fleuve tranquille de nos rencontres hebdomadaires, en bouleversant l’ordre chronologique… et culinaire ! Alors, pour me faire pardonner, je vous invite à une promenade au pays des douceurs traditionnelles…

 

 

Le gâteau vietnamien est plus qu’une gourmandise. C’est d’abord une coutume qui s’inscrit dans les nombreux rituels dont est émaillée l’année lunaire. Derrière son apparence se cache une multitude de symboles que l’on se doit de décoder, sous peine de n’être qu’un vulgaire goujat qui se remplit la panse sans s’imprégner de l’esprit ! Qu’on se le dise, déguster un gâteau traditionnel, c’est autre chose que de s’empiffrer de crème pâtissière !

Tout un symbole !

Comme dans les contes de fées, tout commence par une légende. Le premier roi du Vietnam, qui vivait à une époque ignorant encore le baba au rhum, s’appelait Hung Dao Daï, et il avait 22 fils. Ce qui, outre le fait de témoigner de la bonne santé royale, posait quelques difficultés en matière de succession. D’autant plus qu’ils étaient tous beaux et valeureux. Pour choisir celui qui présenterait les meilleures aptitudes à devenir roi un jour, Hung Dao réunit tous ses rejetons et leur dit : “Pour gouverner un pays, courage et sagesse ne suffisent pas. Il faut de l’imagination. Les fêtes du Têt approchent. Me succédera sur le trône, celui d’entre vous qui me fera un cadeau inoubliable ! Un cadeau aussi agréable aux dieux qu’à moi-même et qui fera plaisir à tout notre peuple.”

Aussitôt, tous les princes se hâtèrent de chercher quel pourrait être se merveilleux cadeau. Tous ? Pas vraiment. Il y en a un qui resta chez lui : Lung. Il faut dire que dans la hiérarchie filiale, Lung était plutôt mal placé. Ignoré par son père, il n’avait pour toute rente, qu’un champ de riz qu’il cultivait avec 2 serviteurs. Et ce jour-là il devait moissonner ce champ, car le riz était mûr. Alors qu’il s’apprêtait à se mettre au travail, il observait ces rizières qui s’étendaient en une mer d’un magnifique vert jaune, bordée par le vert sombre des forêts. Au-dessus, en forme de coupe renversée, le ciel était blanc de chaleur. Face à ce spectacle, Lung eût une idée : “Je sais ce que je vais offrir à mon père ! Je vais lui offrir le monde en 2 gâteaux.”

Et Lung, confectionna les 2 gâteaux. L’un, représentant le ciel, était rond et blanc, fait de fine fleur de farine du meilleur riz. L’autre représentait la terre, que l’on croyait à l’époque, carrée. Donc, il était… carré et, pour figurer les bêtes et les plantes qui peuplent la terre, il y avait une farce de viande avec des fèves et des oignons. En image de la forêt qui entoure la terre, sur les 4 côtés du gâteau il y avait des feuilles de phrynium.

Et, bien sûr, comme c’est une légende, lorsque le roi vit les gâteaux, il les trouva beaux. Quand il les goûta, il les trouva bons. Et quand il sut ce qu’ils représentaient, il les trouva merveilleux. Alors, il dit à Lung : “Ton cadeau est agréable aux dieux, car il loue l’univers, leur œuvre ; il est agréable, à ma gourmandise. Et quand notre peuple en connaîtra la recette, il en aura une grande joie !”.

C’est comme cela que Lung succéda à son père et que depuis, on mange du gâteau-ciel (bánh trôi) pour la fête du Têt et du gâteau-terre (bánh chung) pour les mariages…

Un quartier de lune !

Belle histoire qui donne encore plus de goût à ces petits gâteaux, merveilleusement présentés dans des boîtes aux couleurs des Empereurs : rouge et or. Mais la cosmologie pâtissière du Vietnamien ne s’arrête pas en si bon chemin. En effet, il existe aussi le gâteau-lune (bánh deo). Celui-ci est réservé à la fête de la mi-automne (au 15e jour du 8e mois lunaire, ou au mois de septembre selon le calendrier solaire). Selon les anciens, l’automne est la saison où prédomine le principe femelle de la lune (Ying), par opposition au printemps où c’est le soleil, principe mâle (Yang), qui domine. Pendant l’automne, le ciel est clair et l’air est pur. Et, les paysans, profitant de cette clémence météorologique, examinent la lune pour savoir si la moisson sera bonne ou non. Brillante, bonne récolte ; jaune, paix et bonheur ; verte, famine ; traînées noires, guerre. Heureusement depuis que je suis ici, quand j’observe l’astre des nuits, je le vois toujours jaune et brillant, et je ne bois pas assez de bière pour le voir vert, strié de noir ! Tant mieux, parce que cela me permet d’apprécier sans modération la fête de la mi-automne, qui est aussi la fête des enfants. C’est le moment où ma fille me harcèle du matin au soir, pour que nous allions nous promener dans les rues commerçantes. Là, trônent en pyramide, des milliers de petits gâteaux de riz gluant, en forme de disque lunaire, farcis d’une pâte sucrée de haricots ou dattes, enrobant un jaune d’œuf de cane salé qui rappelle la lune (bánh deo), et d’autres milliers de petits gâteaux épais, cuits aux fours et tout cela, préparés selon 7 recettes traditionnelles : grains de lotus, haricots verts et rouges, thé vert, graines de sésame, fruits confits…

À côté de ces gâteaux royaux… ou ruraux, il existe bien d’autres petits gâteaux qui aiment s’inviter aux desserts vietnamiens. Souvent confectionnés avec du riz gluant, du manioc gluant et du maïs gluant, ils sont fourrés avec de la garniture sucrée ou encore avec de la viande. En général, tous ses “bánh” nécessitent d’avoir gardé une place non négligeable dans son estomac, et de sacrifier sans aucun remord au rituel de la sieste méridienne ! Car, croyez moi, quand on a dû s’incliner devant la coutume des 3 bols de riz et l’appétence séductrice d’un plat de nems, avaler ces gâteaux, ce n’est pas du gâteau ! D’ailleurs, j’imagine avec terreur un mariage mixte : pâtisserie occidentale et gâteau vietnamien. Leur progéniture ? Un gâteau de riz gluant, farci de crème anglaise aux fèves et graisse de porc ! Quel cauchemar digestif !

À bientôt, en espérant que cette tranche de vie ne vous a pas laissé sur votre faim !

 

Source: Lecourrier.vnanet.vn

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Tommy Ngo

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